Ensachés

bonbons

A peine décapsulé,
le pschitt expulsé,
l’emballage déchiré,
si vite le magazine dévoré.

J’ai faim de boire,
j’ai soif de lire, la vie.

A peine emballé,
le papier cadeau déchiré,
les piles insérées,
si vite le bolide élancé.

Impatient et excité,
je suis tout énervé,
la nuit de Noël.

Mais le plus bon,
ce sont mes bonbons, ensachés,
bariolés, zébrés, colorés,
que j’adore, pour la vie.

Sables

Petits pieds, sur le sable,
regard plissé, sur la plage.

Premières mains, dans le sable,
c’est donc ça, ça colle et j’aime ça,
même dans la bouche, je goûte.

Premières vagues, première écume,
c’est froid et ça chatouille,
et j’aime ça !

Je veux rester dans les bras de ma maman,
ne pas marcher et courir sur le sable plat.

Les patés de sable, ça ne marche pas,
enfin pas bien, alors je creuse un fossé,
avec mon papa.

Sécher les mains,
frotter les pieds,
ramener du sable,
chez moi,
plein de sensations.

Papa

Encore un papa,
pas n’importe lequel,
celui qui se lève
depuis dix mois,
les yeux embués,
et l’esprit endormi
pour étancher la faim
d’un petit être humain.

Et soudain après un câlin,
un « Pa-Pa »,
après la couche,
après les gestes
de réconfort,
une fois allongé
dans le lit à barreaux.

Un instant bref,
une émotion intense,
une fois la confirmation
arrivée au cerveau,
assoupi.

Être et avoir (pour Antonin)

Avoir plein les poches
de sourires
pour se proches,
sans que ça cloche.

Être du bois
dont on fait les flûtes,
plutôt que d’être
un chèque en bois.

Avoir plus d’un tour
dans son sac,
et par un tour de passe-passe,
détourner son regard :
l’affaire est dans le sac.

Être dans les cordes,
pour avoir bonne presse,
ou être fou à lier,
pour avoir le vent en poupe ?

Etre et avoir

La taupe (pour Octave)

Un jour,
une taupe sortit de son trou
et dit à l’enfant qui jouait :
pourquoi ton père écrase-t’il
tous mes tunnels sortis de terre ?

Je ne sais pas, lui répondit l’enfant.

Dis-lui, lui demanda la taupe,
que c’est un peu grâce à moi
si les parasites ne mangent pas
ses pieds de tomates,
ses haricots,
et ses radis, pardi !

Je n’y manquerai pas,
monsieur la taupe,
mais peux-tu faire quelque chose pour moi,
réclama l’enfant à la taupe ?

Tout ce que je peux faire,
je le ferai volontiers pour toi
qui prend bien garde d’éviter
mes tas de terre, répondit la taupe.

Peux-tu m’excuser auprès de l’érable
pour lui avoir taillé ses grosses branches ?
Je l’ai vu pleurer sa sève, dit l’enfant.

Et la taupe repartit sous terre
faire des guilis aux racines de l’érable.

Ma grand-mère minka

Ma grand-mère citronnade,
D’été de boisson fraîche,
Et de citrons du jardin,
Sous un soleil, brûlot.

Ma grand-mère plage,
D’été de brise fraîche,
Au petit matin,
Dans sa voiture, R5 Renault.

Ma grand-mère rage,
Quand les tomates fraîches
Arrachés les pieds du potager,
Pour rendre service, c’est ballot.

Ma grand-mère bavarde,
Quand les voisins à la fraîche,
Racontent leurs histoires varoises,
Pour vivre heureux, bougre d’idiot.

Craquement de branche

Sur cette route, perdue,
j’aime sentir l’odeur du bitûme,
après une pluie d’été caniculaire.

En s’écartant
sur un sentier improvisé,
je resprire l’odeur de l’humus,
après les premiers rayons de soleil.

Plus grand chose n’occupe mon esprit
quand je marche au milieu des arbres,
qui sont déjà là,
avant moi,
depuis si longtemps.

Soudain,
j’entends un craquement de branche,
au loin :
il y a le la vie,
sauvage,
dans cette forêt.

Ma présence,
que je croyais inaperçue,
se révéla digne d’être là,
parmi la nature.

Notre nature

Je me demande toujours pourquoi
les gens viennent te voir,
au bord de la mer,
une douce sonate de Schubert dans leurs oreillettes,
te regarder, t’admirer,
toujours pareille ?

Je me demande encore pourquoi on t’admire tant,
quand tu es belle ou sauvage,
mais qu’on ne te regarde plus,
une fois souillée ou polluée ?

Je me pose encore la question :
pourquoi n’accepte-t’on pas
de te voir vieillir et mourir ?

Tout comme lui, elle, et les autres,
tu vis en nous,
avec nos souvenirs de vacances.

Tu vis avec nous,
pour nous nourrir de tes fruits.

Tu vis sur nous,
avec ton sable chaud d’été,
et tu vis depuis nous,
pour nous avoir enfanté.

Et puis tu meurs,
avec nous qui vieillissons,
et tu renais toujours
pour les nouveaux enfants
qui viennent au monde,
à ta nature.

L’étoile de mer

Une étoile en avait assez
de broyer du noir
dans le ciel nocturne.

Un jour, sans se presser,
elle décida de se laisser glisser
sur la voute céleste.

Elle finit par arriver a l’horizon,
là où le soleil se couche,
dans une lumière aveuglante.

Pourtant l’étoile était triste,
car plus personne ne la voyait,
à cause de ce trop fier soleil.

Alors elle reprit doucement son chemin,
pour plonger dans la mer,
mais pas trop loin des côtes.

Posée sur le sable fin,
elle mit sa plus belle robe rouge
pour qu’on l’observe avec masque et tuba.

Elle devint ainsi la star des plages
et ne s’ennuya plus jamais.