Craquement de branche

Sur cette route, perdue,
j’aime sentir l’odeur du bitûme,
après une pluie d’été caniculaire.

En s’écartant
sur un sentier improvisé,
je resprire l’odeur de l’humus,
après les premiers rayons de soleil.

Plus grand chose n’occupe mon esprit
quand je marche au milieu des arbres,
qui sont déjà là,
avant moi,
depuis si longtemps.

Soudain,
j’entends un craquement de branche,
au loin :
il y a le la vie,
sauvage,
dans cette forêt.

Ma présence,
que je croyais inaperçue,
se révéla digne d’être là,
parmi la nature.

Derrière moi

Derrière nous
se creuse
le tunnel
sombre
de nos photos,
nos vidéos,
qui s’entassent
et s’écroulent,
derrière nous.

Toujours devant nous,
la lumière,
nous attire,
tous,
inexorablement,
et certains, plus que d’autres,
avanceronnt toujours devant vous.

Restez où vous êtes :
je vais vous prendre en photo.

Et ne bougez pas :
d’où vous êtes
je risquerais de jeter
vos photos,
derrière moi.

Ego

C’est à moi de l’ouvrir
puisque d’autres la ferme :
j’en ai marre de souffrir,
seul dans mon coin, à la traîne.

On me dit qu’au contraire,
il faut arrêter de se plaindre,
et prendre sa vie en main.

Mais moi je ne veux pas ressembler
à ceux qui ont réussi
et qui sont jalousés
par ceux qui ont échoué.

Je veux l’ouvrir pour te dire
d’arrêter de te la jouer,
d’appliquer les règles,
sans jamais y déroger,
même pas pour toi,
même pas pour tes enfants,
même pas pour tes amis.

C’est ça l’éthique pauvre con
et sans ça tu mourras riche,
peut-être même connu,
mais détesté de tous ceux
qui savent qui tu es,
et adulé par tous ceux
qui se sont laissés berner,
par ton ego.

Notre nature

Je me demande toujours pourquoi
les gens viennent te voir,
au bord de la mer,
une douce sonate de Schubert dans leurs oreillettes,
te regarder, t’admirer,
toujours pareille ?

Je me demande encore pourquoi on t’admire tant,
quand tu es belle ou sauvage,
mais qu’on ne te regarde plus,
une fois souillée ou polluée ?

Je me pose encore la question :
pourquoi n’accepte-t’on pas
de te voir vieillir et mourir ?

Tout comme lui, elle, et les autres,
tu vis en nous,
avec nos souvenirs de vacances.

Tu vis avec nous,
pour nous nourrir de tes fruits.

Tu vis sur nous,
avec ton sable chaud d’été,
et tu vis depuis nous,
pour nous avoir enfanté.

Et puis tu meurs,
avec nous qui vieillissons,
et tu renais toujours
pour les nouveaux enfants
qui viennent au monde,
à ta nature.

Destins d’amour suite

Te dire que tu es belle,
avant que tu ne sois moche.

Etre un salaud,
avant d’avoir à regretter d’être fidèle.

Etre sincère avec toi,
avant de finir par te mentir.

Etre un menteur maladroit,
avant de t’implorer ici-bas.

Etre un sale con avec toi,
avant de suivre une psychothérapie.

Etre le pire des machos,
avant de me castrer les cordes vocales.

Etre ta deuxième oreille,
avant de devenir sourd.

Me sauver,
avant que tu ne te rendes compte que je suis déjà parti.

Te parler,
avant qu’il ne soit trop tard.

Ne pas écouter les autres,
avant de t’avoir fait l’amour.

Me sentir libre,
avant d’être en prison.

Me sentir seul,
avant d’avoir regretté de t’avoir rencontré.

Etre romantique,
avant d’acheter des fleurs pour la Saint-Valentin.

Etre maladroit,
avant de me croire tout permis.

Te tromper par faiblesse,
avant de l’avoir envisagé.

T’aimer à la folie,
avant tout ce merdier.

T’aimer,
avant tout.

Destins d’amour

J’aimais..
t’envisager pour la première fois avant d’oublier de te regarder.

Je pensais..
te sauver avant que tu ne te rendes compte d’être perdue.

J’adorais..
vibrer au téléphone avant de te bloquer dans mes contacts.

Je prévoyais..
de t’aimer à la folie avant d’oublier ton anniversaire.

Je t’offrais..
des fleurs avant de t’envoyer sur les roses.

Je croyais..
que tu m’aimais avant de comprendre que tu t’aimais.

J’avais envie..
de dépenser sans compter avant de te rendre des comptes.

J’avais envisagé..
de t’épouser avant de regretter de t’avoir connu.

J’allais..
t’attendre à la sortie de ton travail avant de contourner ton quartier.

Je voulais..
prendre violemment ton corps avant d’en prendre soin.

Je songeais..
à te faire des enfants avant de fuir mes responsabilités.

L’étoile de mer

Une étoile en avait assez
de broyer du noir
dans le ciel nocturne.

Un jour, sans se presser,
elle décida de se laisser glisser
sur la voute céleste.

Elle finit par arriver a l’horizon,
là où le soleil se couche,
dans une lumière aveuglante.

Pourtant l’étoile était triste,
car plus personne ne la voyait,
à cause de ce trop fier soleil.

Alors elle reprit doucement son chemin,
pour plonger dans la mer,
mais pas trop loin des côtes.

Posée sur le sable fin,
elle mit sa plus belle robe rouge
pour qu’on l’observe avec masque et tuba.

Elle devint ainsi la star des plages
et ne s’ennuya plus jamais.

Que puis-je faire ?

Je voudrais..
passer de l’autre côté du miroir,
pour regarder qui je suis.

Et toi, que voudrais-tu ?

Moi je désirerais..
jeter aux orties mes histoires,
pour aimer qui je suis.

Et toi, que désires-tu ?

Moi ? Je rêverais.. de
crever le plafond de verre,
pour éclairer qui je suis.

Et toi, que rêves-tu ?

Je devrais plutôt..
jeter de l’huile sur le feu,
pour rallumer qui je suis.

Et toi, que devrais-tu faire ?

Moi je sais, je pourrais..
mettre de l’ordre dans ma vie,
pour me rappeler qui je suis.

Et toi, que pourrais-tu faire ?